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C'est quand même bien, pour une fille !
2 novembre 2007

18 - Ella, l'insipide

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  L’héroïne est encore là, l’héroïne est encore en moi. C’est si intense, cette rage. C’est de la colère tirant vers la haine ; la haine d’un monde injuste, absurde par son injustice, par la douleur sans fond qui en découle. Quand on est heureux on ne cherche pas à trouver un sens à l’absurdité. Parfois on arrive presque à trouver ça joli. C’est la douleur qui accentue ce sentiment sans fondement. Je souffre : au nom de quoi ? De rien. Rien, rien du tout. Rien ne justifie la douleur qui m’habite. Je vis pour rien, chaque geste que je fais n’a aucun sens, aucune base profonde ; je lis, je m’instruis, je me drogue, je bois, j’apprends, je pleure, je ris, je baise, je pense, j’avance, je bataille mollement, je me détruis, je dessine, j’invente des jeux. Tout ça ? Pour rien. Rien, un jour, mes actes seront effacés ; d’ailleurs déjà certains sont morts. Emportés, aspirés par l’oubli. Rechercher le plaisir constructeur ? Pourquoi ? N’y a-t-il pas après tout plus de jouissance dans la destruction, dans l’expression de la puissance maladive et néfaste ? N’y a-t-il pas plus de beauté dans le geste qui ôte tout espoir ? So, ma So, n’a-t-elle pas trouvé la réponse aux questions néfastes ? Ma douce, ma toute petite, ma démesure, elle a mordu goulûment dans la pomme de Blanche-neige, elle a causé sa propre perte. Cette lame brillante qui fait perler le sang à mon bras : rien ne peut remplacer l’intensité de cette jouissance. Rechercher le bonheur ? Quel bonheur ? Ce n’est qu’un vaste leurre. Le monde s’empresse de nous cracher à la gueule notre désespoir, de nous rappeler que nous ne sommes pas faits pour lui. Détruisons ; détruisons le futur, détruisons les autres, mais surtout détruisons-nous nous-mêmes. Il n’y a rien de mieux que de nous faire du mal. Le premier sourire d’un nourrisson…ce qui est joli, c’est la matière visqueuse, sanguinolente qui souille sa peau rose, c’est son cri de haine lorsqu’il est expulsé du ventre, lorsqu’il sort de la crevasse dans l’unique but d’aller rejoindre un second caveau. Nous sommes tous des mort-nés. Oh ma douce, ma So, ma démesure. Les mères sont des tombes prématurées, des tombes vivantes, l’avant-goût de l’après-vie. Elles sont elles-mêmes, par définition, l’essence de l’absurde. Le père est celui qui, muni de ses graines empoisonnées, décharge ses immondices dans le caveau-poubelle, jardinet gluant de la femme allongée sur le dos. J’ai mal. Entre les omoplates, là. Je ne veux plus faire la mort. Le cimetière est une mère géante, aux multiples ventres, je veux lui cracher dedans. Me voici, poubelle, me voici, mon corps est déjà un déchet, je suis un garçon trop tôt, que les foudres s’abattent. Oh ma douce, ma démesure. L’héroïne juteuse me glace les veines, mon sang bouillonne pourtant, je le sens chauffer. Je vais le verser au nom de l’absurde, au nom de la vie. Ça grouille, ça grouille la fourmilière, le cimetière c’est le ventre ; tous ces corps, le sperme.

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