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C'est quand même bien, pour une fille !
24 septembre 2008

79 septembre

  "Du rouge à lèvres mal mis, du shit plein les yeux, je m'étais penchée au-dessus de la boîte de CD pour regarder cette petite coke, j'avais pris ma carte bleue pour l'émietter, la séparer en lignes bien distinctes dont le blanc bloquait ma rétine. J'avais lu quelque part que l'effet sur le foetus pouvait être une malformation, des problèmes vasculaires, des retards de croissance. Je n'y pensais pas vraiment, pas tout à fait, pas de façon raisonnée, réfléchie, je n'y pensais pas avec un jugement ; c'était ce qu'il y avait de beau dans toute cette défonce, une façon pure de penser, une façon nette et transparente, nettoyée de tous ses microbes et poussières dans les recoins, déblayée de tous ses adjectifs qualificatifs, c'était une simple pensée, une énumération de constatations neutres.
  J'aurais voulu mourir, j'aurais voulu mourir moi, qu'ils se démmerdent avec le corps, que tout se finisse en un laps de temps limité. ça ne s'est pas fini pour moi, ça s'est fini pour la chose. Pourquoi le mien et pas celui d'une autre, pourquoi le mien et pas celui de n'importe quelle petite junkie connasse parisienne s'injectant de l'héro bas de gamme ou se poudrant le nez en semaine, il n'y a pas de parce que et le pire c'est sans doute qu'il n'y en aura jamais.
  Quel immonde mot que le mot "foetus", que le mot "embryon", presque aussi laid que "règles", ce trop plein de consomnes me fait gerber, c'est ce qui me révulse dans la langue française, ce qui me hérisse, c'est cette infinité de dureté.
  Comme cette envie de te dire "encore", que tu vas encore souffrir, que tu vas encore perdre, que tu perdras comme tu perds depuis le début, tu as commencé par faire perdre à ta mère, par lui faire perdre les eaux, lui faire perdre un poids, toi aussi tu l'as perdue, tu as perdu son sang, sa chair, puis ce fut ton tour de perdre tes larmes, ta voix, ton shit, ton sang, ta dignité, puis enfin ton bébé, tu as perdu ton bébé, t'avais quinze ans et tu te tordais de douleur sur un sol froid, d'abord tu as perdu toute ta sueur, toute ta salive, tout ton vomi, puis tu as perdu ton bébé.
  On aurait pu virer le rapprochement, le balayer sans soin, d'un coup calme et sec, comme ces gifles que je craignais de recevoir, que je fantasmais de recevoir, virer ce rapprochement entre les substances et la perte d'un amas de cellules, d'un petit corps pas encore existant... virer ce rapprochement pas immédiat, pas clair, trouble, lendemain de murge passé à renifler distraitement.
  Mais on peut pas le virer le rapprochement, comme on peut pas oublier, oublier comme on nie un mensonge.
  J'ai trop couru, j'ai l'impression que je serai essoufflée à vie. Je n'aurais pas dû te dire ça."

  Répondre. Pas de réponse.

  Je vais peut-être mettre un mot de passe à mon blog. J'y réfléchis.

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